Anonymus Text

La vie décrite par Anonymus (vers 920)

La Vie la plus ancienne de St Josse, apôtre du Ponthieu au 7e s. Traduction littérale provisoire de la Vita prima de St Josse rédigée vers 920 d'après l'édition nouvelle qui sera éditée par H. Le Bourdelles à partir de 19 manuscrits. La numérotation des chapitres garde celle de dom Mabillon, et de J. Trier. On a ajouté une numérotation de paragraphes.

Incipit prologus de vita iudoci sacerdotis - Prologue**

1.1 Très nobles fils de l'Eglise de Dieu, très chers frères dans l'amour du Christ, qui vivez ensemble dans le monastère de notre excellent Père Josse, jouissez de la gloire et de la louange de Dieu, possédez en abondance le salut éternel qui vient du Seigneur. 1.2 Je ne veux point refuser votre requête, puisque vous m'avez demandé de rédiger la vie et les actions du saint prêtre Josse en suivant le modèle présenté par vos récits. Mais j'aborde ce travail avec beaucoup de crainte, car il surpasse la faiblesse dont j'ai conscience, lorsque je me demande de quel droit je vais entreprendre d'exposer les vertus éminentes d'un si grand homme, alors que je manque de facilité pour m'exprimer. Mais lorsque nous nous remémorons les faits illustres de la vie des saints Pères, notre foi en leur protection nous fait surmonter le doute. C'est pourquoi, dans une commune piété, nous pensons devoir prier pour bénéficier des mérites de ce saint Père, pour que son aide vienne voiler la rusticité de notre style, et pour que, plus nous avancerons dans le récit de ses vertus, plus grande, pour le moins, sera notre facilité à aborder fermement le livre que nous composons de ses grandes actions. Sur la requête de ce saint, de son saint, puisse Notre Seigneur Jésus-Christ daigner nous l'accorder, lui qui partage avec le Père et le Saint Esprit. la gloire et le règne, l'honneur et le pouvoir pour les siècles des siècles. amen.

2. Vie de saint Josse

2.1 Le vénérable serviteur de Dieu nommé Josse naquit dans une famille royale des Bretons. Son père Juthael fut roi de ce peuple pendant sa vie, et, après sa mort, laissa le pouvoir royal à son fils Judichael, frère de saint Josse.

2.2 Mais Judichael, après quelque temps de règne, se fit raser la tête, et devint clerc. Pourtant il ne garda pas longtemps cette pieuse tonsure. On raconte que dans la suite il aurait laissé sa chevelure pousser, et qu'il serait revenu à l'état laïc. Alors qu'il occupait de cette façon le pouvoir royal, au bout de quelques années il se repentit de ses actes et de ce retour à la vie du siècle.

2.3 La conséquence fut qu'il vint demander pieusement son conseil sur cette question à un serviteur de Dieu nommé Caroth. Celui-ci lui donna de salutaires avis, en l'exhortant à abandonner une royauté mondaine, et il lui indiqua qu'il y avait un homme qui pouvait régir ce royaume, son frère nommé Josse. Ledit roi Judichael décida donc que son frère devait recevoir ce pouvoir royal. Mais, Josse, cet homme béni de Dieu, s'y refusa totalement, et demanda un répit de huit jours, car il voulait choisir une autre solution pendant ce temps.

3.1 Durant ces évènements, Josse se tenait un certain jour à la porte du monastère nommé Lan-Mailmon, où il avait reçu son éducation, il vit passer onze voyageurs. Il leur demanda le but de leur voyage, ils répondirent qu'ils voulaient aller à Rome. Sur cette réponse, Josse, encore laic, les suivit sans délai, sans rien prendre, sinon un bâton et une tablette, et ils firent route ensemble.

3.2 Leur marche les amena à un fleuve nommé le Couesnon, ils le franchirent rapidement, puis tonsurèrent Josse, cet homme de Dieu, pour le faire clerc. Après cet acte, ils quittèrent ce lieu, et arrivèrent à Avranches, et y séjournèrent. Puis ils se dirigèrent vers la cité de Chartres. Puis encore, dans une marche rapide, ils partirent vers la cité de Paris, qui était alors le siège de la royauté, ils y restèrent quelques jours, enfin, prenant une route opposée, ils dirigèrent leurs pas vers Amiens.

3.3 Peu de temps après, ils quittent cette ville, se tournent vers la région du Nord, et, suivant la route, ils arrivent à un fleuve nommé l'Authie, en un lieu portant le nom de Domaine de Dom-Pierre. Pendant ce séjour dans le pays de Ponthieu, ils rencontrèrent un duc qui avait sa résidence à cet endroit, le noble homme Haymon. Il les reçut avec courtoisie et piété, les retint chez lui pendant trois jours, en les soignant et les réconfortant.

  1. Dans la suite, le dit duc Haymon, observant ce jeune homme distingué qu'était Josse, s'aperçut qu'un don de la grâce céleste croissait en lui, et que sa moralité serait parfaite. Car, à cette époque, Josse, cet homme du Seigneur, tout en étant encore dans la fleur de l'âge, dépassait les onze autres par son obéissance à la religion, et était l'objet de plus de louanges. Donc Haymon, voyant cette situation se confirmer, poussé par l'inspiration divine, retint chez lui le jeune Josse, et laissa partir les autres en les bénissant. Peu de jours après, il le fit élever dans les grades ecclésiastiques, jusqu'à ce qu'il fût ordonné dans sa chapelle. Pendant sept ans il s'y acquitta de la fonction de prêtre. Durant cette période, à la demande du duc, Josse, cet homme de Dieu, tint le fils du duc sur la fontaine du saint baptême, et on lui donna le nom d'Ursin.

  2. Après sept années écoulées, le saint homme, frappé de remords à la pensée de l'amour céleste, désira abandonner ce genre d'existence, et vivre dans un lieu reculé. Il alla trouver Haymon, et le supplia avec déférence de lui accorder la permission de servir Dieu plus librement, il lui demandait un lieu reculé pour son habitation, où il pourrait tranquillement prier pour lui et les siens. Haymon donne aussitôt son consentement à ce désir, ils arrivent ensemble à un lieu nommé Bray, lieu agréable entouré de tous côtés par les bras du fleuve de l'Authie. Ils observèrent ce lieu, et St Josse jugea opportun de construire à cet endroit l'habitation qui lui convenait.

  3. Apres lédification d'une église et d'une petite demeure, des signes miraculeux commencèrent à se manifester, par la grâce de Dieu qui veut illustrer ses saints. On raconte par exemple que cet homme de Dieu nourrissait de sa main des oiseaux de diverses races, et aussi des poissons, comme s'il s'agissait de troupeaux domestiques. Ces oiseaux et poissons avaient lhabitude de venir chercher leur nourriture de la main de l'homme de Dieu, et s'en retournaient comme auraient fait des colombes.

7.1 Il ne faut pas non plus passer sous silence un fait qui se produisit alors, selon l'affirmation de témoins qui en eurent une bonne connaissance. Cet athlète du Christ, Josse, vivait dans une cellule en la seule compagnie de son disciple Wurmer, quand, un jour, le hasard fit qu'il ne leur resta qu'un seul pain pour les nécessités de leur nourriture. Or, tandis qu'il priait dans l'église, où, dans des oraisons pleines de zèle, il adressait des vux au Seigneur, un pauvre frappa à la porte, et demanda l'aumône. A cette demande, notre homme plein de bonté et de pitié dit à son disciple: "Combien avons-nous encore de pain?". Il répondit: "Mon Seigneur et mon Père, nous n'avons plus qu'un biscuit, mais il est destiné à notre nourriture d'aujourd'hui". Et lui: "Prends-le, coupe-le en deux morceaux, mets-en un de côté, pour le donner à cet indigent qui pousse des cris". Peu de temps après cela, un autre arriva demandant aussi l'aumône. L'ordre aussitôt fut donné de lui en donner aussi un quart.

7.2 Puis, une heure après, on vit de loin un troisième pauvre arriver. A celui-là aussi, Josse, le serviteur du Christ, fait donner un troisième quart. Wurmer le supportait mal: "Nous avons déjà distribué la moitié du pain, et tu ne veux pas que nous gardions au moins le restant?". Le Père lexhorta: "Mon fils, ne te soucie pas de nourriture et de boisson. Souviens-toi de la promesse de celui qui a dit: donnez et on vous donnera". A peine l'indigent avait-il reçu le pain, et s'était-il écarté, qu'un quatrième indigent s'approcha, pour éprouver chez le prêtre de Dieu le sens de ses pieux devoirs. Et tandis qu'il frappait à la porte, Josse, ce soldat élu par le Christ, dit à Wurmer: "Présente-lui ce qui reste du pain". Et l'autre, plein d'amertume: "Mon Père, tu veux qu'il ne nous reste aucune nourriture, et que nous mourions de faim tous les deux?".

7.3 On dit que Josse, ce Père vénérable, lui répondit: "Non, mon fils, je ne veux pas te laisser gagner par un sentiment de malaise. Présente plutôt à cet indigent le restant du pain. Sois courageux, ne sois plus troublé. Car aujourd'hui encore Celui qui accorde tout bien est capable de nous restituer ceci". Alors enfin Wurmer, à qui ce témoignage de foi rendait courage, donna le restant du pain à l'indigent qui poussait des cris.

  1. Josse, ce saint Père, avait à peine terminé son exhortation que quatre barques chargées de quantité de nourriture et de boisson arrivaient, tirées le long des rives du fleuve dont nous avons parlé. Dieu tout puissant en dispensant ces biens apportait des secours qui devaient être portés par les fidèles répartiteurs de ses largesses. Certes les hommes de bien habitant le voisinage offraient habituellement le nécessaire au serviteur de Dieu. Mais ce fut alors évidemment la clémence de Dieu qui veilla: l'homme de Dieu, qui ne se souciait pas de la nourriture du lendemain, avait distribué toutes ses victuailles à quatre pauvres, mais, sans délai, il reçut quatre bateaux pleins de nourriture et de boisson.

9.1 C'est ainsi que vivait en ce lieu St Josse, pendant une durée de 8 ans. Mais alors le tentateur impie, jaloux du bonheur de tous les humains, lui tendit des embûches, et chercha à meurtrir son âme de multiples tracas. Un jour, selon son habitude, Ie vénérable Haymon vint le voir, et le serviteur de Dieu lui demanda en toute hâte de lui trouver un autre lieu d'habitation, car il voulait abandonner cette demeure, en raison des mauvais esprits qui l'attaquaient avec acharnement.

9.2 Le duc lui parla avec sympathie. "Il y a, lui dit-il, sur un autre fleuve qui s'appelle la Canche un lieu qui serait sans doute plus approprié à ton habitation. Ce lieu se nomme Runiac. Hâtons-nous d'y aller, et cherchons ensemble un séjour qui aura tes préférences." Ils arrivèrent à cet endroit, et le trouvèrent aussitôt préférable comme séjour. II bâtit un oratoire en l'honneur de St Martin, ce grand confesseur et pontife, il y demeura 14 ans en menant la vie d'un solitaire.

  1. A cette époque, ce saint Père élevait des poules, En une certaine circonstance, elles étaient au nombre de 11, avec un coq en plus. Un aigle entreprit de les dévorer. Wurmer, serviteur de l'homme de Dieu, s'en aperçut, et lui indiqua le fait. Mais, lui, ne prêta pas attention à ce qu'on lui disait. Mais tour à tour 11 poules avaient été enlevées par laigle, et, à la fin, le coq fut saisi par les griffes de la bête acharnée et fut emporté. Lorsque le vénérable adorateur de Dieu, Josse, s'en rendit compte, il en fut très peiné, et aussitôt après, adressa à l'aigle qui s'envolait au loin un ordre comminatoire accompagné d'un signe de croix en sa direction: il devait ramener rapidement le coq sans dommage. L'aigle obéit à cet ordre, revint, déposa le coq en bon état, puis expira.

11.1 Le temps s'écoulait. L'ennemi acharné du genre humain se changeant en serpent aborda le saint homme, et osa lui faire une terrible morsure au pied. Sous l'effet de la douleur, l'homme du Seigneur s'en aperçut, il en conçut une grande amertume, et songea à quitter rapidement ce lieu. Un jour enfin où le noble Haymon, selon son habitude, venait le voir en cet endroit, le serviteur du Christ lui demanda humblement de lui laisser quitter ce lieu et s'établir ailleurs. Haymon y consentit aussitôt, et lui dit: "Rapprochons-nous de la mer, allons vers cette vaste solitude". Il y avait alors en effet une épaisse forêt dans le lieu vers lequel il avait lintention d'aller. "Regardons ensemble, dit-il, si Dieu dans sa miséricorde ne nous montre pas une résidence encore plus appropriée".

11.2 Sans tarder le très vénérable serviteur de Dieu, Josse, sella son âne, et s'en alla dans la même direction que Haymon. Pendant que celui-ci se livrait à la chasse, Josse, le bienheureux Père, se cherchait dans cette solitude un lieu propice pour son habitation. II trouva vite une source, ce qui augmenta son espoir de découvrir lobjet de ses désirs. Haymon poursuivait sa chasse, et il mit à bas un sanglier énorme, ce qui correspondait à ses vux, mais il commença à souffrir du manque d'eau, puisqu'ils n'en avaient pas avec eux. Rapidement, pourtant, le vrai serviteur de Dieu, Josse, écarta cette difficulté. "Toi qui crains Dieu, lui dit il, ne sois pas troublé à propos de l'eau, espère plutôt en Dieu, et il te donnera de l'eau". Sur ces paroles, Haymon, fatigué par lexercice et la chasse, avait laissé un rapide sommeil envahir ses membres. Pendant qu'il dormait, le saint de Dieu, Josse, planta en terre le bâton qui lui servait, invoqua le Seigneur Jésus-Christ que tout son cur lui faisait chérir, que toute son intelligence lui faisait choisir, et pria pour que se révèle un filet plus abondant de source vive. Aussitôt, confiant dans la miséricorde de Dieu, il sortit son bâton du sol, et un liquide abondant coula, fournissant une eau vive aux gens présents.

11.3 Après quoi, Haymon se réveilla, se leva de la couche où il dormait, vit le filet d'eau de source qui sortait et coulait, avec un profond étonnement. Sur lordre de St Josse, les serviteurs du duc firent à cet endroit une petite excavation, et voici qu'une belle source jaillissait en augmentant, source merveilleuse qui jusqu'à nos jours a fait l'objet d'une vénération auprès des populations des alentours et des voyageurs venus de loin. En vérité souvent sont venus là des malades, qui, après avoir goûté de cette source, ont recouvré la santé, comme l'affirment plusieurs témoins dignes de foi.

  1. Là-dessus, l'homme de Dieu, s'avançant à travers les ronces, arriva à un vallon, où il trouva un petit ruisseau. II déclara: "Voici mon siège". Comme s'il avait dit: "ici sera ma résidence". Après ces découvertes, Haymon rentra chez lui en rendant grâce, et Josse, ce serviteur du Christ, travailla à bâtir en ce lieu deux oratoires de ses mains. Il réserva l'un au culte de St Pierre chef des apôtres, l'autre à celui de St Paul docteur des nations. Les deux étaient en bois. Puis Haymon fit faire une clairière dans cette solitude où la forêt était très épaisse à la ronde, pour que l'endroit se prête à la demeure du serviteur de Dieu.

13.1 Après ces évènements, le vénérable prêtre de Dieu demanda au duc Haymon la permission de partir pour Rome, car il voulait en ramener de précieuses reliques de nombreux saints. Il partit, et se hâta vers les temples sacrés des saints apôtres. Une fois arrivé là-bas, il accomplit ce qu'il souhaitait, souhaits bien dignes d'être exaucés par Dieu. |

13.2 Voici ce qui arriva à son retour, alors qu'il portait de nombreuses reliques de saints, et s'approchait du lieu de sa solitude, où il avait édifié deux oratoires, comme il a été dit plus haut. Il existait une jeune fille aveugle de naissance, elle vivait avec son père dans un village voisin de cette solitude. La veille du retour du serviteur du Christ, Josse, elle le vit en songe. Le matin elle en parla à son père. "Mon père, dit-elle - Que veux-tu ma fille ? - Un serviteur de Dieu va arriver au soir prochain sur une colline voisine d'ici. Si je vais le trouver comme je l'ai appris dans la vision de cette nuit, j'ai confiance, sans le moindre doute, de retrouver la lumière par la miséricorde de Dieu. Car, si avec l'eau que l'athlète du Christ aura utilisée pour se laver les mains, je puis me toucher les yeux et me baigner la figure, je crois que je reviendrai à la santé". Ainsi donc cette jeune aveugle de naissance fut conduite par son père auprès de Josse, l'homme de Dieu, et, dès qu'elle se fut lavé la figure avec l'eau que venait d'utiliser pour se laver le prêtre du Seigneur, elle sentit la vue lui revenir par un don du Seigneur en vertu des mérites du saint homme. Comme elle l'avait espéré avec confiance.

13.3 On avait donc placé là une croix de bois en mémoire de ce miracle, voulu par Dieu par lintermédiaire de son serviteur Josse. Cette croix existe encore aujourd'hui, mais en un lieu écarté, dans le monastère du saint. Quant au lieu où elle avait été placée auparavant, on l'appelle maintenant encore la Croix.

  1. À l'annonce du retour de l'homme de Dieu, Haymon se réjouit vivement, sortit à sa rencontre, et le reçut avec des marques d'honneur. Il avait fait construire auparavant une église neuve en pierre, et, peu après le retour de Rome du serviteur de Dieu, et le dépôt dans cette église de nombreuses reliques, elle fut dédiée en l'honneur de St Martin. Ils restèrent alors ensemble dans cette retraite pendant trois jours. Puis, parce que Haymon était un homme noble possédant de nombreux biens, il donna ce lieu avec ses dépendances au profit de St Josse. Après ces décisions, Haymon, homme de grande sagesse, se dirigea en compagnie St Josse, ce serviteur de Dieu, vers un domaine qu'il possédait du nom de Loc. Il en fit don avec toutes ses comme dépendances à Stl Josse pour en faire sa retraite. Cette donation étant ainsi acquise, Josse, ce grand chrétien, vécut de nombreuses années dans cet eremitage jusqu'à sa mort.

15.1 Puis, lorsque cette âme très sainte quitta son habitation charnelle un 13 de décembre, et s'en alla vers léternité bienheureuse du royaume céleste, ses deux neveux, Winnoc et Arnoc lui succédèrent. Quant au corps sans vie du saint, qui demeura longtemps sans connaître la corruption, ils le lavaient fréquemment à leau et le rasaient.

15.2 Un certain duc, héritier d'Haymon, du nom de Drochtric, trouvait choquant tout ceci, il avait un désir éhonté de s'en rendre compte par lui-même. Sa folie l'amena au point que, sans égard pour la volonté de Dieu et celle des gardiens du lieu, il fit ouvrir de force le sépulcre, pour découvrir si vraiment le corps du saint restait encore intact. Il le regarda sans le moindre respect, puis fut frappé d'une crainte subite. Il s'écria: "Ha, saint Josse!". Et tout à coup, il devint sourd et muet, et resta jusqu'à la fin de sa vie impotent de tout son corps. Son épouse, à ce spectacle, fut très affligée, car elle pensait à ce grand crime de son mari, qui avait osé violer le tombeau vénérable de lhomme de Dieu. Elle donna ensuite au sépulcre sacré du saint, pour obtenir un pardon, un domaine de ses biens du nom de Crépigny. Et encore en d'autres lieux, elle donna en même temps, au-delà du fleuve de Canche, des terres en grand nombre. Elle demandait que, bien que son mari eût été privé de lusage de ses membres, son âme, du moins, méritât d'être délivrée de la culpabilité attachée à une telle audace.

15.3 A partir de là notre Seigneur et Rédempteur, par de fréquents effets de sa grâce, rendit auprès de ce tombeau aux sourds louïe, aux aveugles la vue, aux boiteux la marche, à tous les infirmes enfin qui venaient la santé parfaite, par l'intercession et les mérites de St Josse.

Explicit vita beati iudoci sacerdotis